Parution Sud Ouest – Mardi 03 mai 2011

Le cœur tourné vers Séndaï

La petite communauté nippone de La Rochelle est à l’écoute du pays sinistré. L’association Shiosaï prépare un week-end de solidarité.

Japonais établis en France, étudiants venus à l’université et Rochelais sensibles à la culture nipponne sont réunis au sein de Shiosaï. Photo Pascal Couillaud

L’association se nomme Shiosaï (1). Traduisez par : « le bruit du ressac ». Un joli nom qui peut évoquer aussi bien le rivage rochelais que les côtes nipponnes.

Depuis plus d’une dizaine d’années, Shiosaï entretient des liens d’amitié entre La Rochelle et le Japon. Pas un jumelage, rien d’officiel, juste une communauté.

« À l’origine, nous étions trois jeunes femmes nées au Japon et installées à La Rochelle, se souvient Atsuko Furihata, qui préside l’association. Aujourd’hui, nous rassemblons une dizaine de familles nipponnes, des jeunes venus étudier en Europe, et une majorité de Rochelais intéressés par notre culture. Selon nos disponibilités, nous pratiquons des activités telles que le haïku, la danse japonaise, l’origami, la cuisine, la cérémonie du thé, etc. Plus récemment, avec le Carré Amelot, nous avons créé le Festival du cinéma japonais. »

Le séisme et le tsunami qui ont frappé la région de Séndaï ont résonné d’un écho douloureux chez les membres de Shiosaï. « C’était le 11 mars, le jour même où nous devions tenir notre assemblée générale, raconte Keiko Tadjima-Rossignol. Nous nous sommes réunis au musée d’Orbigny et nous nous sommes interrogés : que faire ? »

Chacun a échangé les rares informations obtenues, après avoir tenté de joindre sa famille, d’obtenir des nouvelles. « Le premier jour, le téléphone ne fonctionnait pas, se souvient Ayano Tarumi. Le lendemain, j’ai juste réussi à échanger un SMS avec ma sœur, qui m’a dit que tout le monde allait bien. »

D’autres ont dû déployer des ruses, comme Morita Shoji : « J’ai suivi le détail des sorties des sapeurs-pompiers sur le site web d’une municipalité nipponne, et j’ai constaté qu’il n’y avait que peu d’interventions dans le quartier habité par mes proches. »

À 50 km de FukushimaPlus tard vint la peur de la catastrophe nucléaire, notamment pour Saya Hoshino : « Mes grands-parents et mes cousins habitent à Fukushima, à une cinquantaine de kilomètres de la centrale. Ils ont été privés d’eau et de gaz pendant trois semaines. Mais ils ne se trouvent pas dans la zone qui a été évacuée. » Toutefois, sur place, l’inquiétude semble différente de celle ressentie en France. « Le ton des médias japonais est moins direct, pas choquant, explique Atsuko Furihata. De plus, avec l’électricité coupée pendant quelques jours dans certaines régions de l’archipel, la population n ‘a pas vu tourner en boucle les images les plus traumatisantes. »

« En outre, précise Philippe Regnier, une même image vue par des Japonais et par des Français ne sera pas interprétée de la même façon. De telles catastrophes ne sont pas naturelles dans notre culture européenne alors que, là-bas, il est admis qu’on puisse mourir dans un séisme ou un tsunami. »

Aider à relancer l’économieQuelques semaines après le drame, alors que la Côte-d’Ivoire et la Libye ont supplanté le Japon à la une des médias, la communauté nipponne de La Rochelle a arrêté son plan pour apporter son secours à l’archipel meurtri.

Xavier Coulange explique : « Nous avions déjà prévu une manifestation à Angoulins, les 21 et 22 mai (lire par ailleurs), autour du reportage de Patrick Quiviger, qui est membre de Shiosaï et qui a voyagé à vélo au Japon. Nous avons décidé d’élargir cet événement, auquel viennent se greffer de très nombreuses initiatives, afin de récolter des dons. Nous comptions les reverser ensuite à la Croix Rouge, mais nous réfléchissons à une aide encore plus directe, au cas où une de nos étudiantes rentrerait voir sa famille à la fin du printemps. »

« Autour de Séndaï, l’économie s’est arrêtée, témoigne Madoka Shirai. Des usines ont été détruites, des productions agricoles risquent d’être irradiées. Ce dont les Japonais ont besoin, c’est qu’on les aide à faire redémarrer leurs entreprises. »

« Il faut de l’argent, mais pas seulement, complète Atsuko Furihata. Tokyo a accaparé beaucoup d’attention et d’aides, alors les habitants des autres régions ont le sentiment d’avoir été abandonnés au profit de la capitale. Nous devons leur montrer que nous pensons à eux. C’est le sens des 1 000 grues en origami qu’ont commencé à créer les élèves de mon cours de japonais, au lycée Saint-Exupéry. Leur demande était forte de faire quelque chose pour les sinistrés. Ces 1 000 petites grues de papier font référence à une légende nipponne (lire par ailleurs) et constituent un véritable message d’aide et de réconfort. C’est extrêmement important dans notre culture. »

article Sud Ouest